ancêtres italiens

Copies d’actes : que dit la loi italienne ?

Les généalogistes qui cherchent depuis la France leurs racines italiennes ont parfois bien du mal à obtenir des réponses à leurs demandes de copies d’actes envoyées en Italie. On a longtemps attribué cette réticence à un rejet de la généalogie et à la crainte de réclamations d’héritages. A mon sens, ces raisons ne sont plus d’actualité. Les Italiens sont de plus en plus nombreux à pratiquer la généalogie, à fréquenter les sites Antenati, FamilySearch ou les nombreuses pages facebook dédiées à cette passion. Des communes italiennes organisent des sessions de formation pour apprendre à chacun à chercher dans les archives. Malgré tout, les réponses attendues impatiemment ne sont pas toujours au rendez-vous…

Mais j’avoue être souvent agacée par les commentaires des généalogistes français du type : “c’est mieux en France”, “pourquoi en Italie ça n’est pas comme en France ?”… Ça n’est ni mieux ni moins bien d’un pays à un autre : c’est différent ! L’histoire des États, de leurs institutions a façonné la disponibilité et l’état actuels des archives.
Il y a moins de choses disponibles en ligne pour l’Italie que pour la France… Certes, mais qu’en est-il pour la Pologne, le Portugal, la Roumanie, … ? L’église catholique italienne ne met pas en ligne les registres paroissiaux ? Certes, mais l’église catholique française le fait-elle ?
Les généalogistes français qui cherchent leurs racines en France sont favorisés, mais gare à ne pas devenir de capricieux enfants gâtés…

Des services surchargés

Comme en France, la pression est forte en Italie pour diminuer le nombre d’employés dans les mairies et pour externaliser les services rendus aux citoyens. Les service du stato civile ou de l’anagrafe n’échappent pas à ces contraintes et dans les plus petites communes, les employés de la mairie doivent souvent assurer divers services. Or les demandes de certificats d’état civil sont de plus en plus nombreuses, en particulier celles émises par les descendants d’Italiens partis hors de l’Europe (Continent américain, Australie,…), qui cherchent à obtenir la double nationalité.
En Italie en effet, et malgré les débats lancés depuis plusieurs années, le jus sanguinis est toujours en vigueur. En vertu de ce “droit du sang”, la nationalité d’une personne est définie par celle de ses parents et non par son lieu de naissance (la transmission de la nationalité italienne par la mère n’a cependant été reconnue qu’à partir du 1er janvier 1948). Quiconque peut prouver que l’un de ses ancêtres en ligne directe était italien et n’a pas renoncé à sa nationalité par naturalisation peut ainsi demander à bénéficier de la nationalité italienne. Entre 1998 et 2007, près de 786.000 personnes se sont ainsi vues reconnaître la nationalité italienne, dont plus de 66% originaires d’Argentine et du Brésil. (source : Loin des yeux, près du cœur, Stéphane Dufoix et Carine Guerassimoff, Presses de Sciences Po, 2010, https://books.google.fr/books?id=gfYkAAAAQBAJ)

Malgré les délais parfois donnés aux demandes, voire l’absence de réponse de certains services, la loi italienne prévoit bien l’accès à l’état civil, selon certaines règles abordées dans cet article.

Ajout du 10/02/2019 : Attention, les indications données ci-dessous ont été quelque peu modifiées suite à la publication en septembre 2018 du décret nommé « Decreto legislativo 10 agosto 2018 n.101 ». Voir l’article RGPD et généalogie italienne

L’état civil

La loi italienne permet la délivrance aux particuliers de copies d’actes d’état civil datant de plus de 70 ans. Dans une commune italienne, les registres correspondants sont conservés par les services du Stato civile (état civil) ou de l’Archivio storico, si la commune est importante.
Celui qui souhaite assortir sa demande d’une référence aux textes de loi peut y ajouter la formule suivante :

… ai sensi dell’articolo 107 del DPR 3 novembre 2000 n.396, dell’articolo 177 comma 3 del D.lgs 30 giugno 2003 e nel rispetto dell’articolo 7 del DPR 3 novembre 2000 n.396

ce qui signifie :

“selon l’article 107 du décret présidentiel n°396 du 3 novembre 2000, l’article 177 item 3 du décret législatif du 30 juin 2003 et dans le respect de l’article 7 du décret présidentiel n°396 du 3 novembre 2000.”

Mais que disent ces textes ?

D.P.R. 3 novembre 2000, n. 396, articolo 107 : Estratti per copia integrale

Texte intégral du D.P.R. : https://www.esteri.it/mae/doc/dpr396_2000.pdf

Articolo 107
1. Gli estratti degli atti dello stato civile possono essere rilasciati dall’ufficiale dello stato civile per copia integrale soltanto quando ne è fatta espressa richiesta da chi vi ha interesse e il rilascio non è vietato dalla legge.

2. L’estratto per copia integrale deve contenere:

  • a) la trascrizione esatta dell’atto come trovasi negli archivi di cui all’articolo 10, compresi il numero e le firme appostevi;
  • b) le singole annotazioni che si trovano sull’atto originale;
  • c) l’attestazione, da parte di chi rilascia l’estratto, che la copia è conforme all’originale.

Soit :
Des copies intégrales d’actes d’état civil peuvent être délivrés par l’officier d’état civil uniquement quand la demande expresse en est faite et si la délivrance n’est pas interdite par la loi.
L’extrait pour copie intégrale doit contenir :

  • a) la transcription exacte de l’acte tel qu’il est conservé dans les archives mentionnées à l’article 10, y compris les numéros et les signatures apposées
  • b) les annotations qui se trouvent sur l’acte original
  • c) l’attestation stipulant que la copie est conforme à l’original.”

Decreto Legislativo 30 giugno 2003, n. 196 : Codice in materia di protezione dei dati personali

Texte intégral : http://www.camera.it/parlam/leggi/deleghe/03196dl.htm

Il rilascio degli estratti degli atti dello stato civile di cui all’articolo 107 del decreto del Presidente della Repubblica 3 novembre 2000, n. 396 e’ consentito solo ai soggetti cui l’atto si riferisce, oppure su motivata istanza comprovante l’interesse personale e concreto del richiedente a fini di tutela di una situazione giuridicamente rilevante, ovvero decorsi settanta anni dalla formazione dell’atto.

Soit :
La délivrance des extraits d’actes d’état civil mentionnés à l’article 107 du décret présidentiel n° 396 du 3 novembre 2000 est consentie uniquement aux personnes auxquelles l’acte se réfère, ou pour des motifs liés à l’intérêt personnel du requérant, ou s’il s’est écoulé une période de 70 ans depuis la création de l’acte.

D.P.R. 3 novembre 2000, n. 396, articolo 7 : Rifiuto di atti

Texte intégral du D.P.R. : https://www.esteri.it/mae/doc/dpr396_2000.pdf

Articolo 7
Nel caso in cui l’ufficiale dello stato civile rifiuti l’adempimento di un atto, da chiunque richiesto, deve indicare per iscritto al richiedente i motivi del rifiuto.

Soit :
En cas de refus par l’officier de l’état civil de fournir un acte demandé par une personne, il doit lui mentionner le motif de son refus.

Certains généalogistes pourraient trouver un peu agressif de faire référence à la loi en demandant une copie d’acte. Il est vrai que de nombreuses mairies répondent aux requêtes simples, formulées courtoisement. Ces formules sont peut-être à utiliser en cas de refus manifeste ou d’absence de réponse après une longue attente…
Pour justifier d’une demande d’acte de plus de 70 ans, on peut dans tous les cas demander une copia conforme all’originale rilasciata per uso personale di ricerca storica inerente la propria famiglia, in carta libera  soit : “copie conforme à l’original pour utilisation en tant que recherche historique relative à sa propre famille”.

 

Service payant ou gratuit ?

Selon le point 5 de l’article 7 de la Legge 29 dicembre 1990, n. 405 – Disposizioni per la formazione del bilancio annuale e pluriennale dello Stato

Texte intégral : http://www.gazzettaufficiale.it/eli/id/1990/12/31/090G0461/sg

5. Sono esenti dall’imposta di bollo … i certificati, le copie e gli estratti dei registri dello stato civile …

sont exemptés du paiement d’un timbre fiscal… les certificats, les copies et les extraits des registres d’état civil…”.

Les généalogistes peuvent donc demander aux mairies des copies in carta libera ai sensi della legge 29.12.1990 n.405 art.7, soit “sur papier libre (=sans timbre fiscal) selon l’article 7 de la loi n°405 du 29.12.1990”.
Certaines communes ont toutefois adjoint à leur règlement communal une mention calculant les droits de secrétariat appliqués à la fourniture de ces documents. Il est donc possible que des frais de copie soient demandés.

L’anagrafe

Dans l’organisation des communes italiennes, le service de l’Anagrafe gère tout ce qui est relatif aux données démographiques et aux recensements. C’est vers lui qu’il faut se tourner pour obtenir un Certificato storico di stato di famiglia, appelé parfois plus simplement Stato di famiglia storico ou Certificato storico di famiglia.
Dans les plus petites communes italiennes, les services du Stato civile et de l’Anagrafe, voire du service électoral, sont tenus par les mêmes employés.

Le Certificato storico di stato di famiglia ou “certificat historique d’état de la famille” est un document dans lequel est mentionnée la composition d’un foyer à une date donnée. Y sont enregistrés les noms des personnes vivant dans ce foyer à la date d’établissement du certificat, sans considération des liens familiaux entre ces personnes. Des “étrangers” à la famille peuvent donc y être enregistrés, alors que des membres de la famille ne vivant pas dans ce foyer à cette date en seront absents.
Sa rédaction requiert des services concernés une recherche dans les archives de l’anagrafe de la commune et une retranscription des mentions qui y figurent.
Dans un demande de Stato di famiglia storico, il faut donc indiquer le nom du chef de famille et la période pour laquelle on veut obtenir la composition de la famille en question.

Selon l’article 37 du D.P.R. 30 maggio 1989, n. 223 – Regolamento Anagrafico, la consultation des registres de l’anagrafe par le public est interdite (Texte intégral du décret : http://www.gazzettaufficiale.it/eli/id/1989/06/08/089G0287/sg). Il est donc impossible aux employés de mairies de fournir de simples photographies ou photocopies de leurs pages.
La réalisation du Stato di famiglia storico suppose des recherches et une retranscription des informations. Le documents délivré est soumis à une facturation :

  • paiement d’un timbre fiscal de 16 €
  • paiement de 5,16 € de droits de secrétariat par personne du foyer familial mentionnée sur le certificat

Certaines communes semblent considérer que le Stato di famiglia storico peut émarger au rang des documents qui sont exempts de timbre fiscal. Dans ce cas, elles ne demandent que 2,58 € de frais de secrétariat par personne mentionnée sur le certificat.

La question de la consultabilité sur place des registres d’état civil et d’anagrafe de plus de 70 ans est encore sujette à discussions et controverses en Italie. Certains services se réfèrent au Regolamento Anagrafico D.P.R. 30 maggio 1989, n. 223 pour en justifier l’inaccessibilité. Pourtant,  les articles 122-127 du Decreto Legislativo 42/2004, Codice dei beni culturali e del paesaggio stipulent que les documents de plus de 70 ans conservés auprès des archives d’état sont librement consultables…

Qu’en est-il des archives paroissiales ?

Malheureusement pour les généalogistes, tous les textes de loi mentionnés ci-dessus ne s’appliquent pas à la consultation des registres paroissiaux, puisque ces derniers n’appartiennent pas aux communes ou aux services d’archive de l’État italien. L’église catholique italienne est propriétaire de ces documents et elle seule peut décider des modalités d’accès accordées aux citoyens.
Et quel généalogiste cherchant en Italie ne s’est pas heurté un jour au silence ou au refus d’une paroisse ou d’un diocèse suite à une demande de renseignements ?

Pourtant, dès 1997 la Pontificia Commissione per i beni culturali della Chiesa a publié un texte à l’intension des diocèse relatif à la funzione pastorale degli archivi ecclesiastici ou “la fonction pastorale des archives écclésiastiques”.
Texte intégral : http://www.vatican.va/roman_curia/pontifical_commissions/pcchc/documents/rc_com_pcchc_19970202_archivi-ecclesiastici_it.html

Ce texte mentionne entre autres :

  • l’importance de la transmission du patrimoine documentaire
  • l’importance de la création d’une archive diocésaine
  • l’importance de la collaboration avec les entités de la société civile
  • la nécessaire promotion des travaux de recherche historique
  • La nécessaire valorisation du patrimoine documentaire, au travers d’une belle phrase comme : La documentazione contenuta negli archivi è un patrimonio che viene conservato per essere trasmesso e utilizzato, soit “la documentation rassemblée dans les archives est un patrimoine qui est conservé pour être transmis et utilisé (!)”

Une belle déclaration d’intention que d’aucuns devraient relire tous les matins et mettre en pratique.

Pour ce qui est des recherches sur place, certains prêtres se retranchent derrière une autorisation à demander à l’Évêché, et d’autres n’acceptent même pas d’ouvrir leur porte à ceux qui en disposent.

Et si j’en crois ce que stipule l’article 2 du règlement des archives diocésaines de Treviso, relatif à l’accès aux archives paroissiales du diocèse…

Extrait du règlement d’accès aux archives des paroisses du diocèse de Treviso
(Source du texte)

… Celui qui n’est pas une personne connue ou qui habite la paroisse dans laquelle il souhaite faire des recherches, ne peut accéder aux archives que s’il se présente avec une lettre de recommandation du curé de sa propre paroisse…!

Dura lex sed lex ou simple abus de pouvoir ?

 

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