emplacement des maisons Vedovotto et Catto sur le cadastre napoléonien de Borso 1811
mes ancêtres,  Venetia

De paesan à benetel

Voilà quelques années, j’avais trouvé dans le stato delle anime (état des âmes) de la paroisse de Borso l’explication de l’origine du surnom patronymique, appelé ménda en Vénétie, de ma famille : benetel. Mon ancêtre Domenico VEDOVOTTO, dont la ménda était paesan, avait épousé une benetel en la personne de Benedetta CATTO. Ce document me montrait que ma famille, descendante de ce couple, avait “hérité” le surnom patronymique de mon aïeule. J’avais raconté cette découverte dans l’article une épine de moins, et j’y faisais l’hypothèse que la maison familiale de mes grands-parents n’avait pas toujours appartenu à la famille Vedovotto. De nouveaux documents m’ont récemment permis d’approfondir cette piste.

Extrait de l’état des âmes de Borso, qui identifie Domenica Vedovotto comme fille de Domenico Vedovotto/paesan et de Benedetta Catto/benetel

En Vénétie, ce cas d’adoption du surnom patronymique de la famille de l’épouse par la descendance d’un couple est traditionnellement lié à un changement de résidence de la famille : le nouveau couple s’installe dans une propriété apportée par l’épouse. Le surnom patronymique est donc lié à la maison qui deviendra le foyer d’un couple et de sa descendance.


Aujourd’hui, le “foyer” des benetel de Borso se situe dans le quartier Chiesure. C’est là que vivaient mes grands-parents et qu’ont grandi mon père et ses frères et sœurs. Pour vérifier mon hypothèse de changement de surnom suite au transfert des propriétés de Chiesure de la famille CATTO/benetel à la famille VEDOVOTTO/paesan, il me fallait trouver à qui appartenaient ces biens à l’époque du mariage de Domenico VEDOVOTTO et Benedetta CATTO.
Cette union a été célébrée à Borso le 7 février 1793. Je ne dispose pas d’un éventuel contrat de mariage qui aurait pu décrire les biens apportés par les deux époux. Les traces que j’en ai trouvées figurent dans le registre paroissial et dans l’état des âmes.

7 février 1793, union à Borso de Domenico di Zuane Vedootto (sic) et de Benedetta di Sebastiano q. Benetto Catto

Le mariage nous apprend que les deux époux vivent tous deux dans la paroisse de Borso (ambi di questa cura), mais ne dit rien de plus précis quant à l’adresse de leurs familles.
Il me fallait donc me tourner vers d’autres documents. Après avoir occupé l’Italie du nord pour l’annexer à son Empire, au début du XIXe siècle, Napoléon Bonaparte y a mis en place certaines règles et institutions, sur le modèle de ce qu’il avait établi en France. C’est ainsi qu’un état civil dit “napoléonien” a été tenu dans le Royaume d’Italie, de 1805 à 1814 environ. Il a également décrété la réalisation d’un nouvel enregistrement du cadastre, appelé fort logiquement par les archives italiennes “catasto napoleonico“.

Pour Borso, cet enregistrement cadastral est daté de 1811. Il se compose de cartes (les mappe napoleoniche) et de matrices qui détaillent les parcelles et leur propriétaire (les sommarioni). Ces documents sont conservés aux archives d’État de Venise. J’ai eu récemment l’occasion de photographier les pages du sommarione napoleonico de Borso. J’ai ensuite entrepris un dépouillement systématique, qui m’a entre autres permis de connaître les parcelles possédées à Borso par mes ancêtres.

En 1811, les propriétés de la famille Vedovotto/paesan, et en particulier la maison d’habitation, étaient localisées dans la contrada (quartier) Cortivi.

Les propriétés de Giovanni VEDOVOTTO dans la contrada Cortivi
Quelques lignes plus loin, figurent la maison et le jardin de son fils Domenico, toujours à Cortivi

Giovanni VEDOVOTTO/paesan possédait à Cortivi un brolo (type de jardin), une maison d’habitation (casa d’abitazione), un jardin (orto) et une maison à son propre usage (casa di proprio uso). Il était également propriétaire de champs dans d’autres zones de la commune.
Son fils Domenico, l’époux de Benedetta CATTO/benetel, avait également une maison et un jardin dans cette localité.

Les biens de Sebastiano Catto dans la contrada Chiesure

La famille de Benedetta CATTO/benetel vivait pour sa part dans la contrada Chiesure, où elle possédait des parcelles plantées de vignes (aratorio vitato, prato vitato), ou de vignes et de mûriers (aratorio vitato con moroni), un jardin (orto), une maison (casa d’abitazione) et un pré (prato).

Position des maisons paesan et benetel à Borso, selon le plan du cadastre napoléonien de 1811

En 1811, le couple formé par Domenico VEDOVOTTO/paesan et Benedetta CATTO/benetel vivait peut être encore dans la maison de Cortivi. Mais par la suite, la famille s’est installée à Chiesure, dans les propriétés des Catto.
En 1820 lors du mariage de l’un des fils du couple, mon ancêtre Luigi, son acte de mariage enregistré dans les registres de l’état civil lombardo-vénitien indique en effet qu’il réside à Chiesure. On peut donc faire l’hypothèse que c’est entre 1811 et 1820 que la famille s’est déplacée et que le surnom benetel lui a été attribué.

12 juillet 1820 : mariage de Luigi Vedooto (sic) fils de Domenico et de de Benetta (Benedetta) Catto, qui habite dans la contrà (abréviation de contrada) Chiesure.

Par contre, d’autres branches de la famille Vedovotto étaient restées dans le quartier Cortivi. En témoigne par exemple l’acte de mariage de Pietro VEDOVOTTO, l’un des neveux de mon ancêtre Domenico en 1843 : il indique que l’époux réside dans le quartier Cortivi Alti (les hauts de Cortivi) alors que son oncle et témoin est propriétaire dans le quartier Chiesure.

5 février 1834 : mariage de Pietro Vedooto, habitant de la contrà Cortivi Alti, avec comme témoin Vedooto Domenico, possidente contrà Chiesure.

Par la suite, la famille VEDOVOTTO/paesan s’est éteinte à Borso. Le surnom patronymique benetel y est par contre toujours présent, porté par des familles Vedovotto (la mienne !) mais aussi Fabbian, suite à un nouveau cas de transmission d’une propriété par l’épouse, lors d’un mariage Fabbian/Vedovotto.
Mon aïeule Benedetta CATTO a été la dernière à porter ce patronyme à Borso. Il a disparu des registres à son décès, en 1852. Si elle n’avait pas transmis sa ménda à la famille de son époux, il n’y aurait aujourd’hui plus aucune famille surnommée benetel dans les contrade de Borso et ma ménda serait peut-être encore paesan

31 Comments

    • venarbol

      merci !
      Ça n’est pas simple d’avoir matière à écrire pour l’Italie. Je sens que ce sommarione va alimenter plusieurs articles… 😉

  • Sébastien

    Superbes recherches qui montrent que l’on peut aller plus loin que l’état civil en Italie. Toutes ces sources que tu mentionnes sont vraiment riches ! À voir maintenant si elles peuvent être disponibles du côté de Verona, Vincenza, Como ou encore Novara… j’ai l’impression seulement que cela va nécessiter plusieurs voyages en Italie !

    • venarbol

      Merci pour le passage. Je pense que les archives “napoléoniennes” (état civil, cadastre) de Vénétie sont centralisées à Venise. Par contre le cadastre autrichien est conservé dans chaque province.

  • Sophie

    C’est fascinant d’apprendre que l’on peut aller plus loin que le “simple” état civil ! J’avais pensé aux archives autrichiennes mais sans savoir où chercher. Par contre, il ne m’était même pas venu à l’idée qu’il puisse y avoir un cadastre paroissial ou autrichien, d’ailleurs.

    • venarbol

      Il n’y a pas de cadastre paroissial, par contre l’état des âmes (stato delle anime) est un recensement des familles complété chaque année par les prêtres, quand ils bénissaient les maisons. Une version du cadastre a été établie en Italie du nord au moment de l’occupation française (cadastre napoléonien), puis lors de la période “autrichienne”, avant l’unité italienne.

  • Briqueloup

    Cette enquête très fouillée, est un modèle #généalogie. Cela vaut la peine d’insister pour consulter les archives italiennes

    • venarbol

      Merci.
      Les archives d’état italiennes conservent en effet des documents intéressants, alternatives aux registres paroissiaux parfois si difficiles à consulter : cadastre, archives notariales, archives militaires… Cela vaut la peine de s’y intéresser, même si cela signifie bien souvent de se déplacer jusqu’en Italie.

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