ChallengeAZ,  mes ancêtres,  Vénétie,  vie quotidienne

M comme Ménda

1800 : décès de Zuanne Zago “detto Cosel”

L’adjonction au patronyme d’un surnom a été une pratique courante en Europe à partir du XVIè siècle, afin de répondre au problème posé par l’existence d’une assez faible diversité dans les patronymes. Il en découlait en effet une importante homonymie qui compliquait l’identification certaine des personnes, en particulier dans les communes rurales où le brassage des populations restait très limité. Dans ce domaine, comme dans bien d’autres, on peut relever une similitude des pratiques en France et dans les divers états de la péninsule italienne.

Ce surnom ne résultait pas d’un choix personnel mais il était assigné à un individu par des tiers. Il était en général choisi pour décrire une caractéristique physique ou comportementale de l’individu, ou sa profession. Loin d’être réservé à une seule personne, le surnom patronymique était attribué à tous les membres de la famille, ce qui permettait de les distinguer d’une autre branche portant le même patronyme. Il arrivait également qu’un homme venu vivre après son mariage dans la maison de la famille de son épouse se voie attribuer le surnom de cette dernière, en lieu et place de celui de sa branche paternelle si elle en avait un. Dans certains cas, ce surnom a même fini par devenir un patronyme à part entière, se substituant totalement au patronyme originel de la branche.

En Vénétie, le surnom patronymique est appelé la ménda, sans doute en lien avec le terme du dialecte vénitien :

ménda n.f. : 1. rammendo (reprise). 2. difetto (défaut)

Lui-même très vraisemblablement dérivé du latin :

menda n.f. : défaut physique ; faute, erreur (de copiste)

Cette étymologie découle probablement du fait que le surnom était en premier lieu lié à une caractéristique de la personne, relevant sans doute à l’origine plus souvent du défaut.

Parfois, la ménda était elle-même être sub-divisée en sous-catégories, le surnom devenant à son tour trop fréquent pour être suffisamment discriminant. (voir l’exemple des Andreatta dans la chronique, dernier paragraphe).

Même si elle ne constituait pas un patronyme officiel, la ménda était fréquemment mentionnée par les prêtres dans les registres paroissiaux, soit accolée au patronyme et précédée de la mention “detto, detta” (dit, dite), soit en lieu et place du patronyme officiel, ce qui ne facilite pas toujours l’identification des personnes sur les actes.

 

Décès de Secondo Vedovotto, fils de Giovanni Benetel

Dans cet acte, l’enfant décédé, “ Secondo Vedovoto ”, semble ne pas porter le même patronyme que son père, “ Giovanni Benetel ”. En réalité, “Benetel” est la ménda de cette branche de la famille Vedovotto ! Mais visiblement, le prêtre ne voyait aucune incohérence dans le fait d’identifier sous un patronyme différent, et dans le même acte, un père et son enfant.

Ici, la future épouse est identifiée comme “ Angela Antonia Scarabel detta Vedovotto ”. Pourtant, le dépouillement des registres de naissance montre qu’elle se nomme en réalité “ Angela Antonia Vedovotto, detta Scarabel ”. Le patronyme et la ménda ont donc été inversés, certainement à cause du fait que la famille était connue dans la commune de Càorle sous le nom de Scarabel.

La ménda était en effet parfois mieux connue des habitants d’un village que le patronyme lui-même, et permettait en tous cas de savoir immédiatement à qui on avait affaire. Il en est d’ailleurs toujours un peu ainsi à Borso del Grappa, la ville de mes ancêtres paternels. Si je me présente en donnant mon patronyme, mes interlocuteurs lèvent un sourcil, d’un air de dire “ tiens, un nom de par ici… ”. Mais si je cite ma ménda les visages s’éclairent : “ Ah, tu es de la famille de untel ! Je me souviens de ton papa, oncle, grand-père… ”.

Comme la pratique du dialecte, l’utilisation du surnom patronymique a décliné en Vénétie au cours des dernières décennies, hormis dans les petites villes et particulièrement dans la province de Treviso, où des familles sont encore connues par leur ménda. Pourtant, portée par le courant actuel de retour aux racines et de préservation des patrimoines culturels régionaux, la ménda semble connaître un regain d’intérêt en Vénétie, comme en témoigne par exemple l’existence de la page Facebook : “ Se te sì veneto eora te ghe anca na “MENDA”! ”, en vénitien dans le texte, ce qui se traduit par : “Si tu es de Vénétie, alors tu as aussi un surnom !”

2 commentaires

  • Odile

    Tout simplement passionnant, c’est ce que je pourrais écrire à chacune de tes pages ! J’en apprends un peu plus à chaque article, et je mesure aussi toutes les difficultés que présente ce type de généalogie. Il me semble bien que dans certaines régions de France (mais pas celles de mes ancêtres) on peut trouver un peu les mêmes caractéristiques. Bravo !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.