vie quotidienne

Y comme “Y reste du pain ?”

En toute sincérité, le pain ce n’est pas ce que je préfère manger quand je suis en Italie. Les petites miches toutes blanches, sans croûte et légères comme l’air ne sont pas vraiment à mon goût, formé en France. Et pourtant, la tradition du pain en Vénétie est ancienne et riche en particularités.

Selon Pline, les petits pains de Vénétie étaient des enfants de la paix, qui les avait confectionnés avec amour. Des pains en forme de moustaches, tortue, corne ou poings. Les mosaïques de la basilique saint Marc ont apporté jusqu’à nous la trace du pain consommé par les anciens Vénitiens : de petites miches ressemblant à des escargots.

Les premières corporations de boulangers sont nées en Vénétie au XIIIe siècle, mais la présence de fours à pain est attestée à Venise avant l’an mille. On distinguait alors deux métiers : les pistori, qui fabriquaient la pâte et les panicuocoli, qui cuisaient le pain.
Comme beaucoup d’activités, la production de pain était très réglementée dans la cité des Doges. L’aliment devait adopter des dimensions et qualités standards. Des inspecteurs étaient mandatés pour contrôler les fournils et s’ils jugeaient la qualité du pain mauvaise, celui-ci était jeté dans les canaux pour servir de nourriture aux poissons. L’aliment était produit en plusieurs variétés : le pan bianco, pain blanc, et le pan traverso, fabriqué avec une farine mixte et possédant une croûte épaisse. Interdiction était faite aux boulangers de cuire les deux dans la même fournée.

De nombreuses calli (rues) de Venise ont conservé la trace de cette activité de panification. La Panateria est la rue des 25 boulangeries du marché au pain du Rialto. Il existe également une dizaine de calli dal forno (rue du four), quelques calli del forner (rue du boulanger), quelques calli et sotoporteghi del pistor, du latin pistor=boulanger, et un ponte, une calle et un rio del pestriner. Ce terme désignait à l’origine les établissement où le grain était moulu en farine, avec des meules actionnées par des chevaux, des ânes ou des mules. Avec le déclin de cette activité, les pestriner se mirent à vendre le lait de leurs mules et de nos jours le terme désigne un vendeur de lait.

Il se dit que c’est à Meolo, sur la Terraferma, qu’était produit le meilleur pain de Vénétie. Il était réalisé avec une farine très fine, une noix de beurre placée en son centre en relevant le goût.
Le pain de Padova était également très apprécié, comme en témoigne encore le dicton :

Pan padovan, vin visentin, trippe trevisane e done venexiane
(pain de Padova, vin de Vicenza, tripes de Treviso et femmes de Venise)

Les habitants de la cité de saint Antoine faisaient également preuve de charité en finançant la production du pane dei poveri (pain des pauvres), distribué aux nécessiteux.

Longtemps réservé aux plus aisés

Même si les populations de Vénétie ont fait de la polenta l’une des bases de leur alimentation, elles appréciaient le pain. Il est cependant resté jusqu’au début du XXe siècle un aliment d’exception, consommé au moment des repas de fêtes comme Noël ou Pâques. Il s’agissait en outre très rarement de pain blanc. La farine utilisée était le plus souvent intégrale, quand on ne substituait pas au blé pas un ingrédient moins noble : châtaignes, glands, rutabagas, feuilles d’orme étaient broyées après ébouillantage et dessication, pour en faire un substitut de farine.
Au début du XXe siècle, la présence de fours banaux dans de nombreux villages a favorisé la production de pain par les ménages ruraux, souvent réalisé à partir de farine de froment. Des variétés et des formes diverses de pain sont ainsi nées en Vénétie.

Aux pieds du massif du Monte Grappa, chez mes ancêtres, il est toujours de tradition d’offrir du pain aux familles le 1er novembre, en souvenir des défunts. Ce pain, appelé pano boenk, est fait à partir de farines de froment et de maïs, auxquelles on ajoute un peu d’huile, quelques raisins secs et des graines de fenouil. Cette tradition s’est transmise de génération en génération depuis des siècles et perdure encore de nos jours, mais son origine reste inconnue. Peut-être découle-t-elle des pratiques des premiers chrétiens, qui célébraient l’anniversaire de la mort d’un martyr par un repas frugal distribué aux pauvres.

La ciopa

Ciopa vicentina
(https://blog.giallozafferano.it)

La ciopa est le pain le plus répandu en Vénétie. Il se caractérise par une mie compacte et une croûte dure et friable.
La pâte de la ciopa peut aujourd’hui être travaillée sous la forme d’une simple miche ou d’une torsade, mais traditionnellement ce pain avait une forme d’étoile à quatre ou six branches. C’est de cette “union” de quatre à six morceaux de pâte qu’est né le terme ciopa, qui dérive de coppia (couple).

Le pan biscotto

Comme son nom l’indique, le pan biscotto (biscuit) subit une double cuisson : il est d’abord cuit aux trois-quart une première fois à 220-230°C, sous une humidité importante qui évite la formation d’une croûte. Après refroidissement, il est à nouveau mis au four à 140°C pour une quinzaine de minutes afin de l’assécher.
Ce mode de préparation lui permet de se conserver très longtemps. Le pain biscotto était un aliment important pour un peuple de navigateurs comme celui de la cité des Doges. Utilisé dès le XIIIe siècle, il était élaboré sous la stricte surveillance des autorités et distribué aux équipages des navires. Parfait pour les longues traversées, il était consommé par les marins qui le broyaient pour l’inclure dans une soupe appelée frisopo. Dans les campagnes, cette longue conservation permettait de ne faire fonctionner les fours que tous les quinze jours.
Le pan biscotto possède aujourd’hui souvent la forme d’un croissant ou d’une torsade, mais il pouvait parfois revêtir des aspects plus originaux. On lui donnait ainsi la forme des organes sexuels féminins, et il était enrichi de miel, œuf et matière grasse, lorsqu’il constituait un remontant offert aux femmes venant d’accoucher.

Le schissotto

Le schissotto est un pain typique de la région des Colli Euganei et du sud de Padova. Il possède la particularité d’être réalisé sans levure et possède donc une forme plate puisque la pâte ne lève pas. Sa recette inclue par contre un corps gras : graisse d’oie, saindoux ou beurre.
Il était traditionnellement cuit dans la cheminée ou dans un trou creusé dans le sol, sous un couvercle recouvert de braises.

La pinza

La pinza di pane, appelée aussi macafame (mate-faim) est un dessert typique des zones rurales. Il est considéré comme le dessert de la Befana ou dessert de l’Épiphanie et il est de ce fait consommé lors des fêtes destinées à accueillir la nouvelle année, en buvant un vin chaud.

La recette

Pinza ou macafame
Ingrédients
  • ½ kg de pain rassis
  • ½ l de lait tiède
  • 100  de farine
  • 50 g de sucre
  • 1 œuf
  • 50 g de raisins secs
  • 50 g de figues sèches
  • 50 g de cerneaux de noix
  • 1 cuillère à café de graines de fenouil
  • 1 petite pomme
  • 1 petite poire
  • 1 petit verre de grappa
  • 1 cuillère à café de levure
  • 1 noix de beurre
Préparation Faire tremper les raisins dans la grappa pour qu’ils absorbent son arôme et son parfum.

Couper le pain en petites portions et le faire tremper dans le lait.  Peler la pomme et la poire et les couper en tranches fines.

Mixer le pain mouillé au lait jusqu’à obtenir une crème, ajouter l’œuf et le sucre, puis la farine et la levure. Bien mélanger.

Ajouter à cette pâte les raisins et la grappa, les figues découpés en petits morceaux, les noix et les graines de fenouil.

Beurrer un plat à four carré et y verser la pâte, la recouvrir des tranches de pomme et de poire.

Enfourner à 160° pour 40 minutes.

La pinza se consomme tiède ou froide.

(source : https://www.blogdipadova.it)

Pinza
(https://giocandoincucina.it)

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